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Construction bas carbone : les matériaux biosourcés et le stockage du carbone biogénique

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La construction représente environ 60% de l’empreinte carbone d’un bâtiment neuf. Dans le cadre de sa stratégie visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la France a fait évoluer son cadre réglementaire afin de prendre en compte cette dimension. Elle est passée de la RT2012 (Règlementation Thermique) à la RE2020 (Règlementation Environnementale), qui sera progressivement déployée à partir de janvier 2022. Issus de ressources naturelles stockant le carbone biogénique, les matériaux biosourcés font partie des solutions permettant de limiter l’impact environnemental de la construction. Découvrez comment ils stockent le carbone biogénique et comment ce stockage peut être pris en compte tout au long de leur cycle de vie à travers l’analyse des experts de Karibati1.

Qu’est-ce que le carbone biogénique ?

Le développement de tout végétal est lié au phénomène de la photosynthèse. Cette transformation chimique effectuée par la plante à partir du CO2 présent dans l’air entraine la création de dioxygène qui va être réémis dans l’atmosphère, ainsi que la formation de glucose, qui permet à la plante d’opérer sa croissance. Le carbone présent dans ce composé fait partie intégrante de la plante. C’est lui qu’on nomme « carbone biogénique ». Du fait de ce prélèvement initial de CO2 dans l’atmosphère, les végétaux offrent donc un bénéfice vis à vis du changement climatique. On dit qu’ils constituent un puits carbone.

Pourquoi prendre en compte le carbone biogénique ?

Intégrer la biomasse issue de la culture des végétaux dans un produit à durée de vie longue comme un matériau de construction permet de séquestrer de façon pérenne du carbone : les réémissions de CO2 dues à la décomposition du végétal étant retardées par rapport au cycle agricole naturel plus court, le phénomène de puits carbone est optimisé. Il est donc important de prendre en compte ce bénéfice et de l’évaluer quand on intègre de la matière première biosourcée (donc du carbone biogénique) dans un produit. Le rôle des biosourcés sur l’atténuation du réchauffement climatique est par conséquent bien réel, à condition toutefois que la ressource biosourcée utilisée soit renouvelée, ce qui est le cas pour une forêt gérée durablement ou pour les cultures annuelles comme le chanvre ou le lin. 

Comment quantifier le CO2 stocké dans un produit biosourcé ?

La teneur en carbone de la matière sèche peut être obtenue directement via des tests de teneur en carbone ou en calculant la teneur en carbone des différents composés de l’espèce végétale. La moyenne pondérée des teneurs en carbone des différents composés (cellulose, hémicellulose, pectine et lignine) donne une teneur en carbone totale. En voici quelques exemples : la fibre de chanvre a une teneur en carbone de 43,7%, la fibre de lin de 43,9%, la chènevotte (paille de chanvre) de 48% et le bois résineux de 50%.

Le cycle de vie d'un produit biosourcé

Comment prendre en compte le carbone biogénique sur l’ensemble du cycle de vie d’un matériau ?

Le cycle de vie d’un produit de construction biosourcé, représenté dans le schéma ci-dessus, comporte deux étapes sensibles pour la prise en compte du carbone biogénique et sa modélisation dans les ACV (Analyses de Cycle de Vie) de la RE2020 :

• Le choix de la donnée d’entrée : à ce jour il n’existe pas de donnée spécifique de traitement des déchets d’isolants biosourcés car les premiers volumes à traiter en fin de vie n’apparaitront pas avant 2025/2030 du fait de la mise en œuvre récente de la filière biosourcée. Lors de la modélisation d’un matériau biosourcé il faut donc veiller à choisir la donnée la plus représentative possible dans la base ecoinvent2, la plus proche à ce jour étant le bois (« waste wood »).

• Le choix du scénario de fin de vie : le type de scénario en fin de vie a beaucoup d’impact sur l’indicateur réchauffement climatique, en raison du carbone biogénique séquestré dans le déchet. Le diagramme ci-dessous montre, pour une unité, les flux de CO2 selon les différents scénarios : incinération, mise en décharge sans torchage du méthane sur 100 ans, mise en décharge avec torchage du méthane (70% récupéré) sur 100 ans et, enfin, valorisation matière avec réemploi. 

Les calculs et résultats selon les différents scénarios de fin de vie

1) Incinération : avec 1 unité de CO2 éq. séquestrée lors de la production et 1 unité de CO2 éq. réémise lors de l’incinération, le bilan des flux est nul. Dans le cas d’une incinération avec valorisation énergétique, seul le calcul du module D de l’ACV permet de mettre en évidence l’intérêt environnemental. 

2) Mise en décharge sans torchage du méthane sur 100 ans : la dégradation du matériau entraîne le rejet de CO2 et de CO4 (méthane). Sans torchage, 100% du CO4 est rejeté dans l’atmosphère. Le bilan des flux est positif, il y a donc potentiellement une contribution au réchauffement climatique. 

3) Mise en décharge avec torchage du méthane (70% récupéré) sur 100 ans : avec le torchage, 70% du méthane est récupéré. Dans ce scénario le bilan des flux est négatif, il y a donc une séquestration de CO2 éq.. 

4) Valorisation matière et réemploi : le matériau étant réutilisé lors d’une seconde vie, on compte alors les impacts qu’il aurait engendré en fin de vie, puis les impacts évités dus à sa revalorisation. Dans ce scénario le bilan des flux est négatif. Cependant, dans le cadre d’une ACV, la seconde vie dépasse les frontières du système, le bilan est donc nul. Par conséquent, si on veut mettre en évidence l’intérêt environnemental d’un tel scénario, il est nécessaire de calculer le module D. 

Les différents modules de l’analyse du cycle de vie (ACV)

Le cadre de la norme Européenne EN 15804 impose de présenter les résultats d’analyse de cycle de vie d’un produit suivant 4 modules : A, B, C et D.
• Le module A contient les impacts environnementaux de la production, du transport et de la mise en oeuvre.
• Le module B présente les impacts liés à la phase d’utilisation du produit.
• Le module C décrit les impacts liés à la fin de vie du produit.
• Enfin le module D permet de calculer les bénéfices environnementaux au-delà du système, liés à la réutilisation, la valorisation ou le recyclage du produit.

Les principaux points à retenir concernant le stockage du carbone par les matériaux biosourcés

Par la photosynthèse, les végétaux transforment le CO2 de l’atmosphère en carbone dit biogénique et permettent de diminuer le stock global de CO2 de l’atmosphère. Les produits biosourcés, qui intègrent une matière première produite par photosynthèse, peuvent donc participer à la diminution du réchauffement climatique. Lorsque l’on évalue leur impact sur l’environnement, il est important de mesurer de façon scientifique et objective cette spécificité. Voici les principaux points à prendre en compte pour que le stockage du CO2 des produits biosourcés soit évalué à sa juste valeur dans les ACV des bâtiments :

• Vérifier que le produit ne remet pas en cause  le caractère renouvelable de la ressource naturelle utilisée afin de préserver le réservoir carbone global de la biomasse.

• Évaluer le carbone séquestré en fonction du végétal concerné.

• Mesurer la réémission potentielle en fin de vie en fonction d’hypothèses et de scénarios de fin de vie réalistes (et notamment de cinétiques de dégradation). 

• Intégrer à leur juste valeur les intérêts environnementaux en calculant le module D de l’ACV. 

Pour aller plus loin sur le sujet :

• Télécharger l’avis d’expert complet de Karibati « Matériaux biosourcés, gardiens du carbone« 
• Consulter l’avis d’expert de Karibati « Matériaux biosourcés et fin de vie« 

 

Karibati est une entreprise innovante experte des matériaux biosourcés pour le bâtiment. Elle est agréée « Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale » par l’État depuis décembre 2017.
En savoir plus sur Karibati : karibati.fr

ecoinvent : base de données pour l’Analyse de Cycle de Vie. www.ecoinvent.org 

 

Les isolants biosourcés, une réponse durable aux pénuries et à l’épuisement des ressources

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Depuis quelques mois les tensions sont fortes sur le marché des produits de construction, où l’on constate de nombreuses pénuries de matériaux. Face à cette problématique, les matériaux biosourcés constituent une alternative fiable et durable. Matières premières renouvelables, abondance de la biomasse, chaînes logistiques courtes et locales qui s’accompagnent d’un fort développement des capacités de production : la filière biosourcée dispose de nombreux atouts.

La pénurie des matériaux non renouvelables : un phénomène voué à s’amplifier

Même si elles ont été exacerbées par la récente pandémie, les pénuries de matériaux non renouvelables (acier, sable, pétrole…) deviendront sans doute structurelles à l’avenir car elles sont avant tout liées à l’épuisement progressif d’un stock limité de ressources. Alliée à une croissance de la demande en produits de construction et à la mondialisation des chaînes d’approvisionnement, cette raréfaction des ressources déstabilise les prix et les disponibilités des matières premières. Si aucune ne souffrira probablement d’un épuisement complet, les coûts associés à leur rareté et à la complexité croissante de leur extraction les rendront simplement inaccessibles. Le bâtiment, important consommateur et secteur de faible valeur ajoutée pour ces matières (comparativement à d’autres domaines d’activité), sera concerné au premier chef par ces difficultés.

La filière biosourcée : de nombreux atouts pour répondre à cette problématique 

Face à ces tensions, les matériaux biosourcés constituent une réponse concrète, fiable et durable. Utilisant des matières premières renouvelables et disponibles en abondance, la filière biosourcée s’appuie sur des chaînes logistiques courtes et locales. Et elle est mobilisée pour répondre à la hausse de la demande, avec des investissements massifs à la fois dans de nouvelles unités de production et dans le développement de solutions constructives innovantes, comme par exemple la préfabrication de murs en béton de chanvre, les murs ossature bois isolés en paille…

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Les isolants biosourcés, des matériaux issus de ressources renouvelables

Par nature, les isolants biosourcés sont fabriqués avec des matières premières renouvelables, parfois sur des périodes très courtes, comme c’est le cas des plantes annuelles telles que le chanvre ou le lin. Gérées durablement (toute ressource végétale coupée est replantée), ces ressources se renouvellent alors naturellement, évitant ainsi toute rupture.

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Une abondance de la biomasse encore inexploitée

Bois, chanvre, lin, coton, herbe et pailles de riz ou de blé sont les principales matières premières utilisées aujourd’hui en France pour fabriquer les matériaux biosourcés. Le volume valorisé dans le secteur du bâtiment représente environ 1% de la biomasse disponible*. Par conséquent beaucoup de matières réservent encore un large potentiel de développement.

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Des produits moins sensibles aux ruptures de chaîne logistique

Les chaînes logistiques des matériaux biosourcés sont très courtes. L’approvisionnement des matières premières a lieu à proximité des sites de transformation et de fabrication des produits. Ils sont donc moins sensibles aux ruptures de chaîne logistique que les matériaux conventionnels.

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Des capacités de production en forte hausse

Face à la demande croissante de matériaux biosourcés dans la construction, la filière se mobilise. Les industriels de l’AICB ont prévu de doubler leurs capacités de production d’ici 2025 afin d’atteindre 60 millions de m² par an. Plusieurs projets d’installation de nouvelles unités sont ainsi planifiés dans les mois et années à venir. Les validations techniques pour rendre les produits assurables ont également été menées.